Arts martiaux et perte de poids : des tactiques effrayante voire épouvantable !

Des médecins européens mettent en évidence les stratégies dangereuses de certains sportifs pour perdre du poids rapidement avant une compétition. Ils ciblent particulièrement les disciplines qui contiennent des catégories de poids, en particulier le judo…

Des médecins ont conduit une étude afin d’en savoir plus sur les approches des combattants pour perdre du poids, avant les compétitions.

Au judo, l’objectif des sportifs est d’être « juste au poids » : à 72,9kg pour celui ou celle qui évolue parmi les moins de 73kg, Le poids de forme de se situe aux alentours de 80kg voire 83kg. Les Judokas sont souvent beaucoup plus lourds que la catégorie de poids dans laquelle ils combattent. Passer sur la balance en compétition n'est  pas une formalité si le poids de forme oblige à perdre jusqu'à 10 kg pour combattre dans la catégorie visée.

 

Pour certains, comment perdre 10kg en une semaine !

 

Premières pratiques incontrôlées

100% suivent un régime hypocalorique, 30% avalent aussi des diurétiques. Juste après la pesée, 8% recourraient à des injections de glycérol pour favoriser la réhydratation. Sans compter les 75% qui avalent des suppléments nutritionnels, le plus souvent sans l’avis de nutritionnistes et encore moins de médecins.

Ces médecins affichent leurs inquiétudes face à tant de pratiques incontrôlées et dangereuses. « Le fait de subir une déshydratation rapide et intensive augmente la fréquence cardiaque. Et donc l’afflux de sang au niveau du cerveau. Ce qui est d’autant plus problématique avant un combat », expliquent-ils… En conclusion, les scientifiques appellent surtout leurs autorités sportives à davantage de vigilance par rapport à ces approches. L’occasion aussi de rappeler que les pertes de poids rapides sont très courantes dans de nombreuses autre disciplines. Mais qu’elles doivent être très encadrées par un professionnel de santé.

 

Deuxième pratique encore plus effrayante : le water loading

Des médecins ont cherché à en savoir un peu plus sur les morts de combattants en art martiaux au Brésil. Certains avaient perdu 20% de leur poids – soit 15kg – en seulement 7 jours ! Pour leur travail, ils ont donc suivi et interrogé 30 de ces sportifs et publié leurs résultats dans le British Journal of Sports Medicine (BJSM).

Les deux-tiers pratiquaient le water loading, qui consiste deux à trois semaines avant un combat – à se charger en eau (jusqu’à 23 litres en 3 jours…) et à couper tout apport en sel et en glucides ! Tout cela étant guidée par une « croyance de ces sportifs  » selon laquelle si l’organisme n’absorbe plus de sel, il ne retiendra plus d’eau. L’idée étant qu’elle s’élimine jusqu’à épuisement des stocks ! Que ce soit par le système urinaire bien sûr ou par la transpiration. A ce titre, 17% de ces sportifs ont rapporté prendre des « produits » pour favoriser cette transpiration.

 

Les athlètes des sports à catégories de poids ont en tête un cas d'école avec l'histoire du judoka Benjamin Darbelet. En 2004, aux JO d'Athènes, barré par son coéquipier Larbi Benboudaoud, titulaire dans sa catégorie des 66 kg, Benjamin Darbelet suit un régime draconien pour alors passer dans la catégorie des 60 kg. Epuisé, il se fera éliminer au deuxième tour et souffrira par la suite de troubles alimentaires qui lui feront prendre 20 kg.  Heureusement pour lui il prendra sa revanche au jeu de Pékin mais en 66kg.

 

Nutritionniste à la Pitié-Salpêtrière à Paris, Arnaud Cocaul estime que ces pertes de poids ultrarapides sont totalement à proscrire. "Les régimes auxquels s'astreignent les judokas sont des pratiques dangereuses. Parce que perdre sa masse hydrique peut également entraîner une perte de la masse musculaire, et ainsi largement amoindrir la performance physique, mais aussi parce que ce type de régime abîme l'organisme, explique-t-il. Ce genre de pratique peut vraiment user rapidement un athlète sur le long terme."

L'autre préoccupation d'Arnaud Cocaul vient des risques cardio-vasculaires et rénaux que peut entraîner une telle déperdition d'eau. "On n'est pas à l'abri d'arrêts cardiaques causés par une trop forte déshydratation, analyse-t-il. Tous ces risques sont plus ou moins importants suivant le profil biologique des athlètes. Mais compte tenu de la violence de ces régimes combinée à la violence des efforts physiques qui s'en suivent, les Judokas s'exposent à des risques de mort subite pendant les combats."

Si les risques de ces régimes sont pointés du doigt par certains et minimisés par d'autres, il n'en reste pas moins que ces pratiques constituent un passage obligé pour les judokas souhaitant faire des résultats. S'il choisit de maintenir son poids de forme à 83 kg, c'est que l'on pense que l'on aurait beaucoup de mal à soutenir la comparaison avec des adversaires de sa catégorie délibérément plus lourds que soi.

 

Source : British Journal of Sports Medicine, doi:10.1136/bjsports-2015-094732